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· SI MON PAYS M'ÉTAIT CONTÉ

Le gâteau breton au sarrasin de Keryoun

Après avoir exploré en partie les imaginaires qui ont forgé l’identité du Pays de Lorient, Lucien Gourong, globe-conteur et écrivain, poursuit sa quête des originalités de cette terre d’entre ciel et mer en partant à la découverte de ses gens, ces hommes et femmes d’ici, passionnés de sa grande et de ses petites histoires.

Pourquoi personne n’avait eu l’idée avant lui de confectionner un gâteau breton à la farine de sarrasin, ce blé noir breton qui n’est ni blé ni noir et pas spécifiquement breton puisqu’on le trouve dans d’autres régions de France et dans le monde, la Russie étant le premier producteur mondial devant la Chine et l’Ukraine ? Cette pseudo-céréale, qui n’est pas une graminée mais une polygonacée (même famille que la rhubarbe), appelée ed-du en breton, a été cultivée en Bretagne bien avant le règne de la duchesse Anne qui n’en fut qu’une ardente propagandiste. Elle se plaît sur les sols pauvres du Massif armoricain mais est peu présente sur le littoral, réservé au froment et au seigle.

Les Bretons, constatant qu’elle n’était pas panifiable mais s’accommodait bien des terres rustiques, l’ont massivement utilisée pour leurs bouillies et galettes, ainsi que pour leurs fars comme en témoigne la tradition dans l’arrière-pays lorientais, à Bubry, Lanvaudan, Penquesten. Comment se fait-il donc qu’il ne se soit pas trouvé une ménagère ou un boulanger qui n’ait eu l’idée de l’utiliser dans le fameux gâteau breton, ce gâteau lorientais du XIXe siècle, né peut-être à Port- Louis, lichouserie de voyage, aujourd’hui emblématique de la Bretagne, fait depuis ses origines au froment, sucre, beurre et oeufs, rien d’autre ? Sans doute la force et le poids des traditions bretonnes.

Qu’est-ce qui a amené Younick Guillôme, natif d’Etel, fils, petitfils de marins, à créer un gâteau breton au sarrasin ? À l’origine, il y a sa maman, qui tenait une pizzéria à Etel où elle était considérée comme le cordon-bleu du gâteau breton. À tel point que lorsqu’elle en préparait pour la kermesse de la chapelle Saint-Germain à Erdeven, ils étaient tous vendus de la veille. Il faut dire que le gâteau de Madame Guillôme était très abouti, très équilibré avec une recette maintes et maintes fois revue, améliorée, sous l’oeil vigilant du paternel de Younick. Younick, qui, après le lycée Colbert, embauche dans la construction navale avant de se lancer dans une aventure entrepreneuriale en créant à Paris un site d’emplois maritimes qui marche du tonnerre. Mais son esprit managérial et l’envie de changer de vie en retrouvant l’air du pays le poussent à envisager un tournant professionnel. Il vend les parts de son entreprise et décide de venir s’installer à Lorient et de se lancer dans la fabrication d’un gâteau breton au sarrasin dont une amie lui avait dit un jour que sa grand-mère en confectionnait à Groix. Cette grand-mère était-elle une Groisillonne pure souche ou une « greffée », comme les Grecs nomment ceux et celles qui décident de venir vivre dans leur île où ils apportent, et ce n’est que tant mieux, du sang neuf ? Qu’importe ! Younick Guillôme se lance dans cette fabrication, teste, expérimente, modifie, conseillé par un cuisinier, tout en gardant l’esprit des gâteaux bretons de sa mère.

Après quelques mois de recherche, il crée l’entreprise Keryoun où sont confectionnés chaque semaine, avec deux employés, quelques centaines de gâteaux bretons de deux sortes : le premier, nature, le second craquant avec l’adjonction de graines de kacha, la règle de base restant « tout au sarrasin », c’est-à-dire sans gluten, bio, comme tous les autres ingrédients, oeufs de ferme, beurre de baratte, sucre de commerce équitable. L’affaire lancée sur les marchés de Noël 2017 rencontre un vif succès car le gâteau breton de Keryoun reste une pure lichouserie bretonne que l’on achète au marché de Merville le mercredi et samedi matin et dans de nombreuses épiceries bio entre Quimper et Vannes. Le goûter, c’est l’adopter.

 

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